Journal of Linguistics and Language Teaching
Volume 15 (2024) Issue 2
Les effectifs en langues dans l’enseignement supérieur français : vers une politique linguistique d’ouverture ?
Marcelo Tano (Metz, France)
Abstract (Français)
La présente contribution vise à divulguer les principales données recueillies lors des enquêtes de terrain réalisées auprès de 372 structures des quatre secteurs les plus représentatifs de l’enseignement supérieur français public qui incluent des cours de langues dans leurs cursus de formation. Faute d’indicateurs officiels sur le sujet, l’objectif de ce travail est de fournir des estimations raisonnées et circonstanciées permettant de se faire une idée de la présence et de l’ampleur de ces enseignements. Pour y parvenir, l’étude s’appuie sur une analyse détaillée des effectifs estimés, principalement dans les neuf langues les plus étudiées en France (allemand, anglais, arabe, chinois, espagnol, français, italien, portugais et russe). Les résultats obtenus montrent que ce collectif adhère aux principes d’un plurilinguisme stratégique en proposant des cours de langues couvrant un choix très diversifié d’options mais donnant une importance particulière à deux langues intercontinentales, l’anglais et l’espagnol, et deux autres langues internationales, l’allemand et l’italien.
Mots-clés : Effectif d’étudiants, enseignement supérieur français, langue, plurilinguisme, politique linguistique
Abstract (English)
This contribution aims to disclose the main data collected during field surveys carried out in 372 structures in the four most representative sectors of French public higher education that include language courses in their training curricula. In the absence of official indicators on the subject, the objective of this work is to provide reasoned and detailed estimates to get an idea of the presence and scale of these courses. To achieve this, the study is based on a detailed analysis of the estimated numbers, mainly in the nine most studied languages in France (German, English, Arabic, Chinese, Spanish, French, Italian, Portuguese and Russian). The results obtained show that this collective adheres to the principles of strategic multilingualism by offering language courses covering a very diverse choice of options but giving particular importance to two intercontinental languages, English and Spanish, and two other international languages, German and Italian.
Keywords: Number of students, French higher education, language, plurilingualism, language policy
Abstract (Español)
Esta contribución tiene como objetivo revelar los principales datos recopilados durante los estudios de campo realizados entre 372 estructuras de los cuatro sectores más representativos de la educación superior pública francesa que incluyen cursos de lenguas en sus cursos de formación. A falta de indicadores oficiales sobre el tema, el objetivo de este trabajo es proporcionar estimaciones razonadas y detalladas que permitan hacerse una idea de la presencia y el alcance de estos cursos. Para lograrlo, el estudio se basa en un análisis pormenorizado de las cifras estimadas, principalmente en las nueve lenguas más estudiadas en Francia (alemán, inglés, árabe, chino, español, francés, italiano, portugués y ruso). Los resultados obtenidos muestran que este colectivo adhiere a los principios de un plurilingüismo estratégico al ofrecer cursos de idiomas que cubren una gama muy diversa de opciones pero dando especial importancia a dos lenguas intercontinentales, el inglés y el español, y otras dos lenguas internacionales, el alemán y el italiano.
Palabras clave: Número de estudiantes, educación superior francesa, lengua, plurilingüismo, política lingüística
1 Introduction
Le discours autour de l’importance des langues dans l’enseignement supérieur français se nourrit d’avis politiquement corrects qui valorisent leur connaissance, leur apprentissage et leur utilisation dans une perspective plurilingue et pluriculturelle. Néanmoins, en ce qui concerne notamment le nombre d’étudiants inscrits dans un cours de langues, ce discours s’appuie rarement sur des données factuelles puisque ces dernières ne sont pas disponibles ou, lorsqu’elles existent, elles sont trop dispersées ou elles ne sont pas accessibles. En France, si la réalité du terrain est bien connue par rapport à la prédominance de l’anglais dans l’intégralité du système de formation supérieure, force est de constater que nous ne disposons pratiquement d’aucune donnée officielle qui permette de jauger la situation des autres langues dans une approche comparative.
La présence des langues dans ce contexte a jusqu’à présent été peu analysée, sans doute en raison de la difficulté d’accéder à des informations pertinentes au sein du mille-feuille qu’est l’enseignement supérieur français. On connaît étonnamment mal la réalité de ce grand collectif car les données font sérieusement défaut. Certes, il existe des études éparpillées sur la situation des langues dans telle ou telle université mais aucune n’aborde le sujet des effectifs étudiants qui suivent une formation en langues dans l’ensemble de l’enseignement supérieur français. En outre, elles proposent essentiellement des approches qualitatives répondant à des contextes très précis et elles sont insuffisantes pour tirer des tendances générales à partir des observations effectuées. Dans ces conditions, il reste impossible de se prononcer sur l’ordre de grandeur des phénomènes observés car ceci suppose qu’on se réfère à une tendance, c’est-à-dire à une valeur moyenne basée sur un nombre minimal d’observations valides comparables.
S’il existe un manque de transparence par rapport aux données concernant la gestion des langues dans l’enseignement supérieur français, il est, par contre, de connaissance publique que tous les établissements disposent d’une politique linguistique en faveur de certaines langues. Nous entendons par politique linguistique « […] l’ensemble des choix conscients concernant les rapports entre langue(s) et vie sociale » (Calvet 2021 : 276). À des fins d’éclaircissement terminologique, il convient d’associer à ce concept la notion de planification linguistique, entendue comme « […] la mise en pratique concrète d’une politique linguistique » (ibid.). Qu’elle soit avouée, transparente, explicite, parfaitement écrite et divulguée ou qu’elle soit non avouée, opaque, implicite, non verbalisée et, par conséquent, non diffusée, cette politique linguistique existe bel et bien dans tous les établissements. Par exemple, l’appellation « langue étrangère » accolée à certains cours n’est pas dénouée de sens. S’agissant, à la base, d’une langue qui n’est ni la langue maternelle ni la langue seconde, elle peut, dans certains contextes, être associée à l’appréhension qui peut se manifester lors de son apprentissage générant ainsi une sorte de peur de ce qui est étranger. L’adjectif « vivante », par contre, indique que la langue est actuellement en usage et l’utilisation de ce terme nous éloigne de toute éventuelle xénoglossophobie.
D’autres constats sont particulièrement révélateurs des choix qui peuvent orienter une politique linguistique : le simple fait d’attribuer à l’anglais le statut de la Langue Vivante 1 et à l’espagnol, par exemple, celui de la Langue Vivante 2 est déjà un choix très conscient et assumé qui prétend qu’une langue peut passer avant l’autre dans leur programmation. Pour continuer notre illustration du sujet, lorsqu’un établissement signe la charte Erasmus pour l’enseignement supérieur1, il engage toutes ses composantes à fournir un soutien linguistique approprié aux participants en mobilité sortante ou entrante. Ou encore, quand une structure universitaire passe un accord de coopération avec un homologue à l’étranger, la réciprocité linguistique est engagée dans cette relation. Les conventions signées à cet effet sont donc rédigées dans les langues officielles des pays respectifs. Et que dire des nombreux stages en entreprises effectués en Europe, pour lesquels les stagiaires sont préalablement formés à la langue du pays d’accueil ?
Bref, les exemples prouvant l’existence d’une politique linguistique sont légion. C’est-à-dire que, pour plusieurs raisons concaténées, l’enseignement supérieur français ne peut pas se passer des langues. Mais quelles sont les langues promues par ce vaste collectif ? Quelle est l’offre de formation en langues ? Quels types de formations de l’enseignement supérieur français servent à acquérir ou à améliorer des connaissances d’ordre langagier ? Quels effectifs étudiants, et en quelle quantité, sont impactés par les politiques universitaires en matière de diffusion linguistique et culturelle ? Grâce à cette contribution, nous fournirons des estimations qui permettront de mieux comprendre la dynamique des langues dans un espace académique très diversifié et de grande envergure en Europe.
Pour y parvenir, dans une première approche, nous contextualiserons la situation académique des langues dans l’enseignement supérieur français sans les dissocier de certaines données sur leur importance dans les sphères professionnelles car, après tout, le choix des langues dans tout système éducatif est réalisé en fonction des attentes en matière d’usage et d’insertion sociale et professionnelle. La consultation de quelques sources faisant autorité permettra de mieux comprendre la situation française quant à la valeur, l’utilité et la gestion des langues dans le collectif étudié.
Nous partirons du principe que lorsque l’on dispose de données représentatives sur des échantillons de plusieurs centaines d’établissements, les représentations permettent de dégager une tendance raisonnablement fiable. Ainsi, à travers l'étude de groupes d'apprenants de langues, nous chercherons des indicateurs sur ce sujet au niveau de l’enseignement supérieur français. Pour ce faire, nous disposerons de nos propres données collectées lors de grandes enquêtes de terrain présentées dans des rapports (Tano 2022a, 2022b, 2022c, 2022d). Ceux-ci fournissent des renseignements sur le nombre d'étudiants inscrits dans un cours de langues couvrant les quatre grands secteurs les plus représentatifs du collectif étudié : le secteur des écoles d'ingénieurs (EI), le secteur des écoles supérieures spécialisées (ESS), le secteur des spécialistes en philologie (SPE) et le secteur universitaire de non spécialistes en langues (LANSAD). Pour clarifier la situation, nous rentrerons dans les détails des chiffres concernant ces secteurs.
Enfin, nous résumerons cet état des lieux pour parvenir à quelques conclusions dans le but de transférer les résultats obtenus à des publics de dimension administrative, institutionnelle, politique et professionnelle.
2 Principes qui guident la gestion des langues dans l’enseignement supérieur français
La présente recherche se situe dans le vaste domaine de la sociolinguistique, discipline qui prend en compte « […] la dimension sociétale de l’activité de langage » (Boyer 2017 : 5). Notre objet de recherche, les effectifs inscrits dans un cours de langues dans l’enseignement supérieur français, s’appuie, en effet, sur une forte dimension sociétale dans la mesure où nous allons analyser des politiques linguistiques. La recherche en politiques linguistiques relève de multiples champs théoriques » (Barrault-Méthy 2013 : §6) parmi lesquels se trouve la sociolinguistique. D’un point de vue sociolinguistique, les chiffres servent d’argument aux enjeux de la gouvernance des langues. D’après Humbert et al. (2018 : 41),
[…] pour mieux comprendre le rôle des statistiques des langues, il faut s’intéresser à l’influence de leurs résultats sur la mise en œuvre des politiques linguistiques.
Pour que celles-ci ne soient pas hasardeuses, elles doivent s’appuyer sur des indicateurs fiables et actualisés, raison pour laquelle nous pensons effectivement que les résultats de la présente étude peuvent exercer une certaine influence auprès des décideurs dans la mesure où nous mettons en lumière l’état d’une situation dont on ne dispose pas encore d’indicateurs chiffrés.
Commençons par affirmer que la France s’est toujours intéressée aux langues, sans doute par sa position géographique et son histoire qui la placent dans un carrefour culturel incontournable en Europe. Dans une relation complexe avec les langues différentes de la langue nationale2, elle a toujours cherché à mesurer le poids du français sur la scène internationale et, par extension, le poids des autres langues. À tel point ce sujet préoccupe les élites françaises que le Ministère de la Culture lui-même a récemment soutenu une entreprise audacieuse, la création d’un baromètre pour apprécier l’importance relative des langues dans le monde (Calvet & Calvet 2022), l’un des plus complets élaborés jusqu’à présent3.
Déjà en 2003, un important rapport parlementaire (Legendre 2003) faisait état de la situation des langues en France afin d’agir sur la formation. Il insistait, entre autres, sur l’importance de « […] inciter tous les étudiants à étudier les langues étrangères » (ibid.: 104), de « […] diversifier les langues proposées » et d’« encourager l’échange de bonnes pratiques, la confrontation et l’approche comparative […] des politiques de diversification » (ibid. : 105). Promouvoir l’amélioration des compétences linguistiques tout en veillant à préserver la diversification de l’offre de langues suppose une mobilisation nécessairement de type politique des acteurs du système éducatif. En suivant Calvet (2005 : 9), précisons que
[…] si une politique linguistique peut être formulée par n'importe qui […], le passage à l'acte, la planification linguistique, implique un pouvoir politique.
Si l’on veut agir sur une grande échelle, c’est au niveau de la politique linguistique qu’il faut œuvrer pour se donner les moyens dans le but de planifier les enseignements des langues.
Conscients que le modèle recommandé en Europe « […] est celui de l’apprentissage de la langue maternelle plus deux autres langues » (Orban 2008 : §7), nous souhaitons, par la présente étude, rendre compte de l’état actuel de l’enseignement supérieur français concernant la diversité des enseignements linguistiques. L’enseignement supérieur français est un système qui s’appuie sur deux piliers interdépendants : d’une part, il essaye d’intégrer globalement les besoins de plurilinguisme manifestes dans la société et, d’autre part, il se focalise sur une visée professionnelle de certaines langues stratégiquement choisies. Dans les deux sous-parties suivantes, nous expliquerons les fondements de ces deux attributs.
2.1 Un système en phase avec les besoins sociétaux de plurilinguisme
Les discours « politico-linguistiquement corrects » dont nous parlions dans notre introduction sont des plaidoyers que Calvet (2005 : 2) caractérise comme des
[…] discours qui vont de la dénonciation de la domination de l'anglais à la défense […] du plurilinguisme en passant par la défense du français (ou de l'espagnol, ou du chinois...).
Rappelons que
[…] plurilinguisme comme bilinguisme sont des notions générales qui désignent les usages variables de deux ou de plusieurs langues par un individu, un groupe ou l’ensemble d’une population. (Juillard 2021 : 267)
Nous savons parfaitement que l’apprentissage d’une langue est nécessairement coûteux en temps et en ressources mais qu’il est rentable d’investir dans ce genre d’apprentissages. Grin et al. (2009 : 47) ont réussi à montrer que « […] tout indique que le plurilinguisme est individuellement avantageux […] et qu’il est socialement profitable ». Nous constatons aussi que, dans la plupart des débats politiques sur l’enseignement des langues, il se pose la question de la « valeur de la langue ». En ce sens, Grin (2005 : 23) précise que
[…] le lien avec l’enseignement des langues est immédiat : plus une langue a de la valeur, plus il y a de raisons de l’inscrire au programme.
Grin (ibid.) conseille de prendre ce concept avec prudence car il est souvent réduit à la notion de « valeur marchande ». Or, une langue est beaucoup plus qu’un seul instrument facilitateur de gains économiques et d’avantages compétitifs ; c’est avant tout un véhicule identitaire qui donne accès à une culture et facilite les contacts sociaux avec les membres d’une communauté. Par conséquent, au-delà des convenances pragmatiques, il nous semble essentiel que la valeur non marchande des langues, qui relève de l’ordre du symbolique, fasse aussi partie des principes qui guident la politique linguistique de l’enseignement supérieur français.
Afin d’élaborer une stratégie à moyen et long terme, toute politique linguistique doit se préoccuper de la dynamique des langues qui, dans l’enseignement supérieur français, dépend pour beaucoup des décisions prises en matière d’enseignement linguistique en ce sens qu’
[…] enseigner telle ou telle langue, c’est contribuer à sa diffusion et à sa légitimité culturelle, politique et sociale. (Grin 2005 : 53)
Le processus est renforcé par l’effet de légitimation car la promotion d’une langue consolide les incitations à l’apprendre. Par conséquent, nous voyons bien qu’une politique linguistique ne peut pas être adoptée sans une réflexion sérieuse sur les plans social, politique, économique et même technologique. Un examen circonstancié des avantages et des inconvénients du maintien ou de l’introduction d’une langue est une étape nécessaire dans l’instauration d’une politique linguistique construite, responsable et adaptée aux besoins, notamment de ces usagers que sont les étudiants.
Selon le Comité stratégique des langues (Halimi 2012 : 11), la
diversité linguistique et culturelle, prônée par l’UNESCO comme héritage commun de l’humanité et rappelée dans les directives de l’Union européenne, reste au cœur de la politique française.
S’appuyant sur un état des lieux assez réaliste, ce comité ministériel préconise, entre autres, que la stratégie pour l’enseignement des langues en France devrait s’appuyer sur deux piliers fondamentaux (ibid. : 18) :
s’ouvrir au monde du 21e siècle en affirmant l’importance des langues, et
tracer un parcours cohérent d’enseignement de la maternelle au supérieur, étant entendu qu’il ne faudrait pas interrompre dans le supérieur une formation linguistique entreprise dans le secondaire.
Il n’en reste pas moins que cette cohérence n’est pas toujours consolidée dans l’enseignement supérieur français.
La réflexion sur la gouvernance linguistique emprunte une voie de nature clairement politique en s’interrogeant sur la finalité des enseignements des langues et aux outils de les mettre en œuvre. Les établissements de l’enseignement supérieur français sont à plein titre des acteurs de ces politiques linguistiques. Cependant, force est de constater que, généralement, les choix des langues se font « […] sans toujours entrer dans le cadre d’une politique générale coordonnée » (Beacco 2019 : §2), alors que, d’après Holdsworth (2003 : §36),
[…] chaque université a besoin d’une politique linguistique cohérente clarifiant son rôle particulier en faveur de l’apprentissage des langues et de la diversité linguistique.
Il ne faut pas oublier que la conscience de la diversité linguistique peut favoriser une perception positive de la langue de l’Autre. C’est pour cette raison que « […] la valorisation du plurilinguisme constitue ainsi le fondement d’une éducation à la tolérance linguistique » (Beacco 2005 : 46), cette dernière étant un des éléments clés de la citoyenneté démocratique ouverte aux échanges interculturels.
Le rôle majeur des politiques linguistiques des établissements de l’enseignement supérieur français devrait être d’organiser la gestion équilibrée des répertoires plurilingues. On entend par répertoire verbal ou langagier,
[…] l’ensemble des formes et variétés à disposition d’un locuteur, c’est-à-dire les langues, variantes dialectales, styles, registres ou accents, qui constituent autant de ressources dans lesquelles puiser pour communiquer. (Léglise 2021 : 297)
Pour Beacco (2007 : 40-41), les répertoires linguistiques :
sont un ensemble de ressources pour la communication ;
s’appuient sur une compétence d’acquisition ;
ne sont pas nécessairement homogènes ;
sont évolutifs ;
comportent un versant culturel qui permet d’accroître les compétences pluriculturelles ; et
développent des « compétences complexes » (Conseil de l’Europe 2001 : 129-130) où les connaissances dans une langue sont complémentaires en ce sens que les habiletés acquises sont réutilisables pour d’autres buts plus transversaux.
Bien souvent, les choix faits dans l’enseignement supérieur français en termes de politique linguistique ne tiennent pas compte de ces répertoires et sont plus le résultat de
pures contraintes organisationnelles dues à la paucité des ressources disponibles que de celui d’une vraie liberté d’appréciation et de jugement sur ce qu’il est souhaitable de faire. (Petit 2006 : 3)
Cependant, Braud et al. (2015 : §11) avertissent que, « […] depuis la réforme LMD4, la volonté de conférer une dimension européenne aux cursus impose aux universités de se poser la question de la place des langues ». Poteaux (2015 : §8) observe que cette réforme « […] a exigé une refonte des maquettes qui a posé la question des choix de différents enseignements, […] le tout dans une visée de professionnalisation des formations ». En ce sens, l’enseignement supérieur français permet aux étudiants de poursuivre et renforcer leur parcours d’apprentissage, voire développer des compétences dans d’autres langues en fonction des besoins spécifiques et pour faire la différence à l’heure d’augmenter leur seuil d’employabilité. D’autant plus que pour l’employabilité, « […] c’est souvent la deuxième langue connue qui fait la différence par rapport à la compétence en anglais qui est commune » (Beacco 2019 : §16).
Si tous semblent d’accord avec ces principes, le débat se corse à l’heure de décider quelles langues il convient d’enseigner. Entre les partisans du « tout-anglais » et les défenseurs de la pluralité linguistique, on prend conscience que, du point de vue de leur valeur, de leur fonction ou même de leur représentation, les langues sont profondément inégales. Ce qui est vrai c’est que, dans l’enseignement supérieur français, elles ne sont pas seulement considérées comme un moyen de formation de l’esprit ou d’accès à la culture générale ou à une certaine littérature. Les raisons de leur présence dans les programmes de formation sont désormais d'ordre pratique, voire économique.
2.2 Un système d’enseignement des langues ancré dans la visée professionnelle
Ce qui caractérise l’enseignement supérieur français est sa quête toujours renouvelée de ne pas dissocier ses enseignements d’un certain enracinement dans la réalité, notamment en arrimant ses programmes de formation aux profils professionnels recherchés par le marché du travail. Puisque l’exigence de formation augmente progressivement dans nos sociétés de la connaissance, les études des langues se voient, elles aussi, impactées, dans la mesure où, en règle générale, plus le niveau de formation est élevé et plus le recours aux langues se transforme en une nécessité, dans certains cas même vitale.
En France, l’importance de la diversification linguistique et de l’acquisition de compétences multilingues est signalée à toutes les étapes de l’enseignement scolaire, ne serait-ce que parce que l’on sait que le lien entre « diversité linguistique, performance économique et développement » est clairement établi (Grin et al. 2009 : 50). Au niveau de l’enseignement supérieur français, la possession de ces habilités s’avère particulièrement importante puisqu’il s’agit de la dernière étape de formation avant de se lancer dans la vie professionnelle. Lorsqu’on se prépare pour exercer une profession, acquérir des compétences linguistiques de haut niveau doit être un objectif à atteindre, à partir du moment où les professionnels sont vraisemblablement amenés à avoir des échanges réguliers plurilingues tout au long de leur carrière. Puisque tout le monde est aujourd’hui, peu ou prou, confronté à l’utilisation des langues en milieu de travail, les diplômés de l’enseignement supérieur français accèdent à un quotidien professionnel fréquemment rythmé par l’usage des langues. Chancelade et al. (2016 : 42) ont montré que l’exigence de deux langues augmente avec le niveau de qualification requis pour l’emploi proposé. Concernant cette dernière tendance, Canut & Duchêne (2011: 8) soutiennent que « le plurilinguisme est immédiatement associé à la performance dans la recherche d’un emploi ». Voilà pourquoi la compétence plurilingue, entendue comme « […] la capacité à disposer des habilités langagières dans plus d'un seul code linguistique » (Coste et al. 1997 : 18) est une « […] affirmation de la posture professionnelle » (Lejot 2014 : §22).
Canut & Duchêne (2011 : 8) pensent que
[…] cette valorisation se construit donc comme le corollaire de la flexibilité : les grandes multinationales mettent en évidence l’importance de la diversité linguistique comme facteur de croissance.
Heller & Boutet (2006 : 15) abondent en ce sens lorsqu’elles concluent que « […] les langues, les répertoires verbaux, les compétences de communication deviennent autant d’enjeux économiques ». Pour sa part, Oustinoff (2013 : §26) confirme que « […] la diversité linguistique est donc bien devenue un enjeu incontournable de la mondialisation ».
Les enjeux liés au plurilinguisme dans les entreprises sont réels. Dans son étude sur les langues utilisées dans les multinationales françaises, Extramiana (2010 : 9) a pu vérifier que « […] la question des langues appelle des choix entre la langue du pays d’implantation, la langue d’origine du groupe et l’anglais comme langue véhiculaire ». Des enquêtes menées à ce sujet (Grin 2013 : 22) met en évidence que « […] les compétences linguistiques sont assurément nécessaires aux entreprises, qui les rémunèrent parfois fort bien ». Ces enjeux amènent Narcy-Combes & Salaün (2014: 5) à remarquer l’importance pragmatique de « […] la promotion de la diversité linguistique et culturelle comme facteur de profit dans la sphère marchande », approche qui fait des langues des instruments de la productivité économique.
Précisément, dans les activités professionnelles, le recours aux langues devient une constante, au point que nous pourrions y voir l’émergence de nouvelles formes de « pouvoir langagier » (Tano 2022e : 87), autrement dit, de la suprématie qu’accorde aux usagers le fait de pouvoir comprendre et de savoir s’exprimer en plusieurs langues. Cette maîtrise plurielle des langues favorise donc l’employabilité. Ceci est d’autant plus vrai que, suite aux récentes transformations des activités professionnelles, les avis des experts convergent vers l’identification d’une nouvelle professionnalité des cadres dans laquelle on observe (ibid. : 80) :
l’émergence d’un nouveau profil marqué par les fonctions managériales ;
la prise en compte de l’interculturalité dans la gestion des projets;
l’internationalisation des tâches ;
la mise en valeur du capital humain au sein des entreprises;
la prépondérance des compétences communicatives pour la réalisation des activités professionnelles et
la prolifération des langues en contexte de travail.
La toile de fond de ces constats est le fait que la communication apparaît comme un agir constitutif du travail moderne où «[ …] les compétences discursives deviennent des compétences professionnelles à part entière » (ibid. : 93).
En effet, la part langagière augmente dans les milieux entrepreneuriaux (Boutet 2001), où les langues occupent un rôle de plus en plus important. Zarifian (2015: 32) exprime ceci de la façon la plus simple qui soit : « travailler, c’est communiquer ». Mourlhon-Dalliès (2007: 12) arrive à la même conclusion lorsque, dans son analyse sur les évolutions du travail, elle affirme que nous sommes dans une époque où « faire, c’est dire », situation pour laquelle nous pouvons nous interroger à juste titre dans quelles langues se manifeste ce « dire ».
Toutes ces remarques émanent de chercheurs qui font déjà partie de l’enseignement supérieur français. Il reste à savoir si les concepteurs des politiques linguistiques de ce collectif sont conscients des conclusions auxquelles arrive le monde de la recherche. Pour peu que l’on cherche à intégrer ces tendances dans les programmes de formation, il devient une évidence que l’enseignement des langues doit aussi se conformer aux exigences sociétales décrites dans les paragraphes précédents. Ces questions vont avoir un impact certain non seulement sur le choix des langues à proposer mais aussi sur le dosage des variétés à enseigner, certainement la langue générale, mais encore la langue de spécialité, ou la langue sur objectif universitaire, sur objectif professionnel, bref, sur objectif spécifique.
3 Présentation des enquêtes et de la méthodologie pour le traitement des données
Puisque nous ne disposions pas de statistiques officielles concernant les langues étudiées dans l’enseignement supérieur français, nous avons décidé de mener nos propres recherches à ce sujet5. L’objectif des enquêtes ad hoc était d’obtenir le nombre d’étudiants inscrits dans un cours de langues, pendant l’année 2019-2020, dans les principales structures de l’enseignement supérieur français6.
Le périmètre de couverture était la France métropolitaine, ce qui veut dire que les données obtenues concernent l’ensemble des régions administratives de la métropole française7 mais n’intègrent pas les régions d’outre-mer8.
Si toutes les langues étaient incluses dans cette étude, neuf d’entre elles ont été sélectionnées pour en faire un travail comparatif détaillé : l’allemand (AL), l’anglais (AN), l’arabe (AR), le chinois (CH), l’espagnol (ES), le français (FR), l’italien (IT), le portugais (PO) et le russe (RU). Ce choix obéit, d’une part, à une analyse pluriannuelle faite à partir de bases de données ministérielles9 concernant la demande en langues dans l’enseignement supérieur français où l’on observe la présence récurrente de ces neuf langues principales et, d’autre part, à leur valeur d’usage comme langues véhiculaires dans de nombreux pays, présentes dans un ou plusieurs continents, en tant que langues des relations commerciales ou en tant qu’instruments de communication diplomatique des organisations internationales.
Dans le cas français, beaucoup d’autres langues peuvent faire l’objet d’une formation mais, en raison de leur nombre trop élevé10 et, surtout, à cause du peu d’effectifs qui les étudient, il a été préférable de les regrouper dans le volet « autre » (AU) servant de base pour une analyse groupée.
Pour chaque sondage, le questionnaire était divisé en deux parties:
Identification de l’institution (nom de l’établissement, dénomination de la composante, type de composante11, principal domaine disciplinaire des formations, principal domaine technico-professionnel des formations, région administrative) et
effectifs étudiants en 2019-2020 (nombre total d’étudiants et nombre d’inscrits dans les langues sélectionnées pour l’étude).
Quant aux supports utilisés, les questionnaires envoyés, dont le temps de réponse estimé était d’environ une quinzaine de minutes, ont été présentés sur un site dédié en ligne, élaboré grâce aux outils d’enquête de Google, incluant un recueil automatisé des données.
En ce qui concerne la diffusion de ces sondages de type nominatif et quantitatif, ils ont été transmis aux équipes de direction des structures concernées, après une étape de recherche et de répartition des courriels des responsables.
3.1 Enquête à destination des écoles d’ingénieurs
Nous démarrons notre étude par l’analyse du collectif peut-être le mieux identifié de l’enseignement supérieur français : celui des formations françaises d’ingénieurs. Étant donné le nombre élevé d’écoles d’ingénieurs en France, cet agrégat mérite un traitement à part12 dans l’analyse du panorama des langues dans l’enseignement supérieur français, d’autant plus que beaucoup de ces écoles, très visibles grâce à leur nombre, sont autonomes et n’appartiennent pas aux universités. Notre public destinataire (Annexe 1) était constitué de 153 écoles d'ingénieurs publiques, recensées dans l’arrêté du 18 janvier 2019 fixant la liste des écoles accréditées à délivrer un titre d’ingénieur diplômé (MESRI, 2019), à qui le questionnaire avait été envoyé.
Toutes les langues proposées comme disciplines d’ouverture dans les maquettes pédagogiques des écoles d’ingénieurs sont incluses dans cette étude. Toutefois, neuf d’entre elles ont été choisies pour en faire un travail comparatif détaillé. Mis à part l’anglais qui est considéré comme Langue Vivante 1 obligatoire, imposée à l’ensemble de la population des élèves-ingénieurs, le choix des huit autres Langues Vivantes 2 obéit à une analyse pluriannuelle faite à partir de bases de données disponibles du MESRI. Il est à remarquer que, dans les dispositifs de formation des écoles françaises d’ingénieurs, beaucoup d’autres langues peuvent être étudiées13.
La période d’accessibilité du questionnaire s’est étalée du 6 octobre au 3 décembre 2021.
3.2 Enquête à destination des écoles supérieures spécialisées
Nous continuons notre analyse en sondant un second collectif d’écoles qu’il est convenu d’appeler « supérieures spécialisés », bien que la population cible de cet agrégat appartienne aussi bien à des écoles qu’à des centres, des conservatoires ou des instituts.
Comme pour l’enquête précédente concernant les écoles d’ingénieurs, l’objet de celle-ci était d’obtenir le nombre d’étudiants des écoles supérieures spécialisées14 publiques françaises inscrits dans un cours de langues pendant l’année 2019-2020. Les données concernaient l’ensemble des régions administratives de la métropole française, à l’exception de la Corse pour laquelle nous ne disposions pas d’informations officielles nous permettant de contacter ce type d’écoles.
Par conséquent, notre public destinataire15 était constitué de 102 écoles (Annexe 2), répertoriées par nos soins en tant qu’écoles publiques, autonomes ou appartenant à une université et dispensant des formations dans des domaines très diversifiés : administration, architecture, art, danse, défense nationale, éducation, histoire, journalisme, médecine des animaux, musique, patrimoine, politique, santé, sport, etc. Les équipes directives de ces écoles ont pu accéder à notre questionnaire entre le 5 et le 31 mars 2022, disposant ainsi de quelques semaines pour préparer ces informations avant de participer à notre enquête.
3.3 Enquête à destination des unités de formation pour spécialistes en langues
La troisième population facilement identifiable est celle des spécialistes en langues. Encore une fois, le but de notre enquête était de calculer le nombre d’étudiants des universités publiques françaises mais, cette fois-ci, inscrits dans une formation pour spécialistes en langues pendant l’année 2019-2020.
Si la France dispose d’une septantaine d’universités publiques, elles n’offrent pas toutes des formations pour devenir spécialiste en philologie. Une recherche établissement par établissement a permis de connaître le nombre exact d'universités concernées. Ainsi, le public destinataire était représenté par les 54 universités (Annexe 3), proposant une formation pour des spécialistes en langue, que nous avions préalablement identifiées, et couvrant des domaines qui gravitent principalement autour de la linguistique, la littérature et la culture. La période d’accessibilité du questionnaire fut du 2 au 31 mars 2022.
3.4 Enquête à destination des structures universitaires où les langues sont enseignées à des spécialistes d’autres disciplines
Notre dernière population cible était celle qui, par déduction, restait à analyser lorsqu’on enlève de l’enseignement supérieur français les trois précédents groupes qui faisaient l’objet d’enquêtes séparées. Il s’agissait du collectif le plus important mais le moins bien identifiable dans l’environnement étudié : celui des structures universitaires où les langues sont enseignées à des spécialistes d’autres disciplines.
Il faut savoir que le secteur Lansad universitaire s’adresse à des étudiants de toutes composantes qui doivent ou veulent étudier une ou plusieurs langues dans le cadre de leur formation. Pour ce faire, ce secteur s’appuie bien souvent sur des structures Lansad constituées généralement des facultés, des centres, des directions, des départements, des services, voire des pôles. Cependant, ces structures étant rares, les cours de type Lansad sont essentiellement dispensés par les composantes universitaires elles-mêmes, ce qui est synonyme de parcellisation puisque chaque composante définit ses propres objectifs de formation linguistique. Cette segmentation est due au fait que les étudiants de ce secteur viennent d’horizons considérablement divers et peuvent avoir des motivations très différentes pour l’acquisition des langues en fonction des besoins propres de leur domaine de spécialité (art, commerce, droit, économie, gestion, histoire, ingénierie, médecine, musique, politique, sciences de toutes sortes, etc.). Dans tous les cas, il s’agit d’étudiants qui ne sont pas « spécialistes en langues » mais spécialistes dans d’autres disciplines (d’où l’utilité de l’acronyme « Lansad » pour bien les identifier) qui ont besoin de parfaire leur niveau des langues à visée professionnelle afin d’effectuer une mobilité académique, d’intégrer le tissu économique local ou pour s’ouvrir aux perspectives à l’international. Dans ce contexte, il est aisé d’imaginer que, par sa diversité, ce secteur serait enclin à favoriser un certain plurilinguisme.
Une analyse minutieuse de l’offre de formation en langues dans l’ensemble des universités publiques françaises nous a permis de vérifier que cette offre existe dans 63 établissements (Annexe 4), soit dans l’immense majorité des universités. Toutefois, les limites matérielles et temporelles pour la réalisation d’un sondage d’une telle envergure nous ont contraint à limiter l’enquête à un groupe de 13 universités que nous pouvons identifier comme étant des établissements « témoins ».
La sélection des destinataires16 s’est faite en fonction des critères suivants :
Un établissement par région administrative française afin de distribuer les échantillons de manière équilibrée sur tout le territoire national ;
L’université de chaque région ayant le plus d'effectifs en 2019-2020 dans le but d’offrir une meilleure représentativité des échantillons. Ainsi, parmi les 13 universités publiques françaises17 qui avaient été présélectionnées, 249 composantes18 ont répondu à notre appel.
Le questionnaire, qui a eu une période d’accessibilité s’étalant du 17 novembre au 2 décembre 2021, avait été adressé aux 249 composantes des établissements ci-dessus mentionnés.
4 Analyse des résultats
Par rapport à la valeur probatoire des données recueillies et aux fins de ce travail de recherche, nous pouvons interpréter les résultats obtenus comme des évolutions perceptibles et vérifiables, les pourcentages indiqués pour chaque langue correspondant à des tendances nationales.
4.1 Les résultats concernant les écoles d’ingénieur
En 2019-2020, il existe en France métropolitaine 153 écoles d’ingénieurs publiques qui, après vérification, proposent toutes des cours d’anglais. Cette matière est appelée Langue Vivante 1 lorsque le programme prévoit l’enseignement d’autres langues (Langue Vivante 2 ou Langue Vivante 3). Les orientations de la Commission des titres d’ingénieur19 précisent que (CTI 2022 : 4)
[…] les formations conduisant au diplôme d’ingénieur sont constituées d’enseignements de sciences de base, d’ingénierie éventuellement orientée vers la spécialité de la formation, de sciences humaines, économiques et sociales et de langues.
Selon nos observations (Tano 2022a : 12), pour lutter contre la dérive du « tout-anglais », fréquente dans les milieux scientifiques et techniques, la CTI inscrit le mot « langues » au pluriel car la maîtrise de plusieurs langues est essentielle dans la formation de ce public qui, de surcroît, est très sensible aux ouvertures culturelles que les langues apportent à leur profil. Ainsi, le référentiel parle de « la capacité à travailler en contexte international et multiculturel » comme une capacité d’adaptation qu’il faut développer (CTI 2022 : 21). Par rapport aux critères majeurs d’une formation internationale et multiculturelle, la CTI ajoute (ibid. : 26) que « L’école encourage et propose également l’apprentissage et la pratique d’au moins une autre langue étrangère en plus de l’anglais ».
Sur un total de 153 écoles d’ingénieurs concernées, 77 ont répondu à notre questionnaire, ce qui fait un taux arrondi de réponse de 50 %. L’échantillonnage a dégagé une marge d’erreur de 10 % pour un haut niveau de confiance de l’ordre de 99 % (Outil de calcul : https://fr.surveymonkey.com/mp/margin-of-error-calculator/). En outre, on peut observer que les principaux domaines relatifs à la formation des ingénieurs y sont représentés: l’aéronautique, l’agronomie, l’alimentation, la chimie, l’électronique, l’énergie, l’environnement, l’informatique, les matériaux, la mécanique, les mines, les télécommunications et les travaux publics. Ceci laisse entrevoir la variété des secteurs où les langues peuvent être utilisées.
À partir des données factuelles transmises par les 77 écoles participantes et des données estimées par nos soins pour les 76 écoles restantes, nous avons pu obtenir des taux (Tano 2022a : 13) afin d’effectuer nos calculs pour l’ensemble. Dans le Tableau 1, nous reproduisons une synthèse des estimations nationales auxquelles nous sommes arrivés :
Tableau 1 : Estimation des effectifs étudiants inscrits dans une formation de langues dans les écoles publiques françaises d’ingénieurs (Source : élaboration personnelle)
Les estimations finales d'effectifs étudiants par langues se traduisent par des pourcentages qui permettent d’accéder à une vision d’ensemble du collectif étudié. Selon le nombre d’effectifs déclarés et estimés, les langues passées au crible classent dans l’ordre dégressif suivant : anglais (79,09 % des étudiants), espagnol (21,51 %), allemand (12,14 %), français (4,2 %), chinois (3,03 %), autre (2,76 %), italien (1,79 %), portugais (0,77 %), russe (0,68 %) et arabe (0,32 %).
Quatre langues se détachent du lot. Dans l’ordre d’importance, l’anglais, l’espagnol, l’allemand et le français reçoivent le plus grand nombre d’effectifs. Dans son statut de Langue Vivante 1, il est normal que l’anglais enregistre des données très élevées et que l’espagnol et l’allemand, étiquetés plutôt comme des Langues Vivantes 2 et, éventuellement, comme des Langues Vivantes 3, comptabilisent moins d’effectifs. Quant au français, cette langue imprime sa présence dans notre étude en tant que langue étrangère des étudiants non francophones dont le nombre est en augmentation constante dans le collectif analysé.
La présence du chinois montre que les élèves-ingénieurs français s’y intéressent. L’italien figure aussi dans notre classement, suivi du portugais. Ces deux langues, à côté de l’espagnol et du français, montrent la valeur stratégique que recouvrent les langues romanes dans la formation des ingénieurs. Dans une moindre mesure, le russe et l’arabe complètent notre liste des langues qui peuvent être apprises dans la formation d’un ingénieur « à la française ». Finalement, pour l’agrégat « autre », nous ne disposons pas du libellé exact des langues. Si ce groupe atteint aussi des données à quatre chiffres, son importance reste moindre dans la mesure où cet ensemble réunit des langues souvent cataloguées comme « rares » et, de ce fait, peu demandées20.
4.2 Les résultats concernant les écoles supérieures spécialisées
Sur un total de 102 écoles supérieures spécialisées à qui nous nous sommes adressés, 66 ont bien voulu collaborer. Grâce à leur participation, nous avons atteint un taux arrondi de réponse de 65 %. L’échantillonnage a permis d’observer une marge d’erreur de 9 % pour un haut niveau de confiance de l’ordre de 99 %.
Les estimations d'effectifs par langue ont été ainsi réalisées à partir des taux issus des données effectives fournies par les 66 écoles ayant participé au sondage (Tano 2022b : 10). Les pourcentages obtenus ont été utiles pour élaborer les estimations concernant les 36 autres écoles n’ayant pas participé à notre enquête. Les calculs finaux nous ont permis d’accéder aux résultats que nous reproduisons dans le Tableau 2 :
Tableau 2 : Estimation des effectifs étudiants inscrits dans une formation de langue dans les écoles publiques françaises supérieures spécialisées (Source : élaboration personnelle)
Selon le nombre d’effectifs déclarés et estimés, les langues passées au crible classent dans l’ordre dégressif suivant : anglais (44,8 %), autre (6,9 %), français (4,2 %), arabe (2,5), chinois (2,2 %), allemand (2,1 %), espagnol (2 %), italien (1,4), russe (1,1) et portugais (0,2). Ce sont ces derniers pourcentages qui se présentent comme les vrais résultats de ce collectif (Il faudrait peut-être expliquer pourquoi.).
Comme pour les autres collectifs analysés, l’anglais se détache du lot. En tant que langue vivante la plus représentée, elle reçoit le plus grand nombre d’effectifs et enregistre des données qui écrasent les indicateurs très bas concernant les autres langues. En observant les estimations nationales (Tano 2022b : 6-10), on a l’impression qu’il n’y a que l’anglais qui compte dans ce collectif car cette langue enregistre peu de valeurs « 0 » alors que cette valeur est visuellement très repérable pour les autres langues. On y constate également qu’un bon quart de ces écoles ne proposent que l’anglais.
Le français, étudié par des ressortissants étrangers inscrits dans ces écoles, occupe la seconde position dans notre classement. Dans la mesure où il y a de plus en plus d’étudiants étrangers dans l’enseignement supérieur français et puisque le français est la langue d’enseignement, il est normal que la deuxième place lui revienne. Tout compte fait, il est surprenant que l’espagnol et l’allemand n’occupent pas les premières places du peloton, comme c’est le cas pour les autres secteurs analysés. Dans tous les cas, en ordre d’importance, l’arabe, le chinois, l’allemand, l’espagnol sont présents dans les réponses fournies dans des taux qui avoisinent tous les 2 %. L’italien, le russe et le portugais complètent notre liste des langues les plus plébiscitées dans les écoles supérieures spécialisées, mais vraiment très loin de celles précédemment mentionnées.
Certes, la présence d’autres langues montre, dans une moindre mesure, que ce secteur fait preuve de plurilinguisme. Cela veut dire que les neuf langues présélectionnées dans notre enquête sont en concurrence avec les langues d'agrégat « autre » qui présente des chiffres élevés (6,9 %) mais dont nous n’avons pas le libellé exact21.
4.3 Les résultats concernant les unités de formation pour spécialistes en langues
Sur un total de 54 universités concernées, seulement 15 ont répondu à nos sollicitations, ce qui fait un taux arrondi de réponse de 28 %. Si nous voulons attribuer à nos chiffres un taux de confiance de 99 %, force est de constater que la marge d’erreur de notre échantillonnage est relativement haute, de l’ordre de 29 %, ce qui nous amène à prendre les données de ce collectif avec beaucoup de précautions22.
Les composantes universitaires proposant des formations pour de futurs linguistes n’ont pas une dénomination unique et sont frappées par une grande diversité d’appellations qui gravitent principalement autour des notions en lien avec les « lettres », les « langues » et les « cultures ». Il en va de même pour les domaines disciplinaires où la formation peut être noyée dans des ensembles vraiment très vastes, le plus répandu étant « langues, littératures et civilisations étrangères et régionales » (LLCER).
Pour chacune des langues passées au crible et malgré la basse participation des acteurs de cet agrégat, nous avons réussi à élaborer des pourcentages issus des données partielles mais factuelles initialement fournies par les 15 universités participantes (Tano 2022d : 5). Par la suite, ces pourcentages nous ont permis d’arriver à des estimations nationales pour l’ensemble des universités proposant une formation en langue pour spécialistes que nous reproduisons dans le Tableau 3 :
Tableau 3 : Estimation des effectifs étudiants inscrits dans une unité de formation de langue pour spécialistes dans les universités publiques françaises (Source : élaboration personnelle)
Le classement dégressif en pourcentages se présente donc comme suit : anglais (52,85 %), espagnol (19,79 %), allemand (5,48 %), italien (5,21 %), autre (4,94), arabe (3,51 %), chinois (3,06 %), russe (1,99 %), français (1,88 %) et portugais (1,23 %).
Dans l’ordre d’importance, l’anglais, l’espagnol, l’allemand et l’italien reçoivent le plus grand nombre d’effectifs. Ce sont les quatre langues qui attirent le plus les étudiants qui souhaitent devenir des spécialistes de ces disciplines. Nous constatons que, sur les neuf langues qui nous intéressent, l’anglais et l’espagnol sont les seuls à enregistrer des données à cinq chiffres, ce qui montre encore une fois la vitalité du binôme anglais/espagnol dans l’enseignement supérieur français.
Si l’agrégat « autre » atteint aussi des données respectables, son importance reste moindre dans la mesure où cet ensemble réunit des langues souvent cataloguées comme étant « rares » ou des langues « régionales » peu diffusées23.
4.4 Les résultats concernant les structures universitaires où les langues sont enseignées à des spécialistes d’autres disciplines
La grande diversité des formations dans les structures universitaires ayant participé à notre enquête montre bien la spécificité du secteur Lansad où les langues sont étudiées pour être appliquées dans de nombreux domaines. Dans les composantes présélectionnées, nous pouvons en dénombrer principalement les suivantes : arts, biologie, communication, droit, économie, éducation, environnement, géographie, gestion, informatique, ingénierie, journalisme, mathématiques, médecine, odontologie, pharmacie, physique, psychologie, sciences fondamentales, sciences humaines et sociales, sciences politiques, sport, technologie. Mais il y en a bien d’autres.
Rappelons que, sur les 13 établissements choisis, le nombre total de composantes contactées s’élevait à 249, mais seulement 112 ont répondu à nos sollicitations24, ce qui fait un taux arrondi de réponse de 45 %. À partir de ces données partielles mais factuelles et en suivant le principe selon lequel plus l’échantillon est grand et plus l’estimation est précise, l’échantillonnage nous a permis de mesurer un seuil de confiance très haut, de l’ordre de 99 % des résultats obtenus, avec une marge d’erreur de 9 %.
À partir des données effectives fournies par les composantes ayant participé au sondage, nous avons pu calculer les différents taux représentant chacune des langues retenues pour cette étude (Tano 2022d : 13). Ces pourcentages ont été par la suite utilisés pour compléter l’ensemble des données concernant le nombre d’inscrits par langue dans les 63 universités françaises qui dispensent un enseignement de type Lansad. Dans le Tableau 4, nous reproduisons une synthèse des estimations nationales auxquelles nous sommes arrivés :
Tableau 4 : Estimation des effectifs étudiants inscrits dans une formation de langues pour des spécialistes d’autres disciplines dans les universités publiques françaises (toutes formations confondues) (Source : élaboration personnelle)
Notre constat initial concernant les neuf langues les plus étudiées dans l’enseignement supérieur français se voit confirmé dans le tableau ci-dessus. Retenons que, pour la période passée au crible, 1 482 328 étudiants sont censés suivre un cours de langue dans une formation pour non-spécialistes en langues, ce qui représente un pourcentage très élevé atteignant plus de 86 % des effectifs. Ceci valide l’idée que les enseignements linguistiques ont un caractère massif dans ce secteur universitaire.
Les quatre langues qui sont communément étudiées dans le secteur Lansad universitaire sont classées dans l’ordre dégressif suivant : anglais (72,88 % des étudiants), espagnol (6,72 %), allemand (2,89 %) et italien (1,16 %). En effet, il s’agit des langues les plus étudiées en France. Mais elles ne sont pas les seules. Le français (0,55 %), par exemple, est considéré comme une langue incontournable pour des étudiants non-francophones (en mobilité entrante) qui intègrent une université française ; c’est pour cette raison qu’il lui revient une honorable cinquième place. En sixième position, nous trouvons le chinois (0,52 %) et, en septième place, l’arabe (0,28 %). Même si la différence entre l’arabe et le russe (0,26 %) est trop petite pour être statistiquement significative, la présence de cette langue dans notre étude mérite la huitième position de notre classement, suivi du portugais (0,16 %) qui a l’avantage d’exister dans ce groupe mais à une échelle nettement inférieure, vu sa neuvième position parmi les langues les plus étudiées. Finalement, il est à noter que beaucoup d’autres langues qui ne faisaient pas partie du groupe présélectionné sont également enseignées dans le secteur Lansad universitaire mais dans des proportions qui ne les rendent pas significatives dans le cadre de la présente étude. Pour l’agrégat « autre » (1,1 %), nous ne disposons pas du libellé exact des langues mais l’importance de ce groupe reste moindre dans la mesure où cet ensemble réunit des langues dites Modimes (« moins diffusées et moins enseignées »)25.
De toute évidence, l’anglais semble se détacher du lot. En tant que langue la plus représentée, elle reçoit le plus grand nombre d’effectifs, enregistrant des données qui écrasent littéralement les indicateurs concernant les autres langues. L’anglais est suivi de l’espagnol qui comptabilise des chiffres très significatifs. Le binôme anglais/espagnol est ainsi plébiscité par les étudiants car il atteint des valeurs bien supérieures à celles observées pour les autres langues du panel étudié. Cependant, l’allemand garde sa troisième position, suivi par l’italien, dans son honorable quatrième place.
5 Les principales tendances observées (en guise de conclusion)
Dans ce travail de recherche, nous avons proposé quelques données factuelles et, à partir de ces dernières, des estimations basées sur des données vérifiables26. Puisque nous étions dans l’impossibilité de travailler avec des chiffres officiels pour montrer la situation des langues dans les ensembles étudiés, nous avons procédé par des calculs estimatifs qui, au final, nous ont permis de déceler les grandes tendances observables dans l’enseignement supérieur français que nous résumons dans le Tableau 5 :
Tableau n° 5 : Estimation globale par secteurs des effectifs étudiants inscrits dans une formation de langue dans l’enseignement supérieur français (Source : élaboration personnelle)
Selon nos calculs, 2 064 417 étudiants seraient donc impactés par un enseignement linguistique dans l’enseignement supérieur français public de la France métropolitaine en 2019-2020. Rappelons que ce chiffre ne concerne que quatre grands secteurs de ce collectif. Les données officielles pour la même période annoncent un total de 2 162 600 étudiants inscrits27 (MESRI-SIES 2020 : 2), toutes formations et filières confondues. Par conséquent, nos estimations finales, qui s’approchent des indicateurs ventilés par les autorités françaises, prévoient que 93,26 % des effectifs suivent une formation en langues.
Ce chiffre très élevé prouve que l’enseignement des langues dans l’enseignement supérieur français revêt un caractère massif. Visiblement, c’est dans le vaste secteur universitaire de non-spécialistes en langues (ou de spécialistes d’autres disciplines) où les langues sont les plus enseignées (représentant 82,91 % des effectifs). Suivent en ordre d’importance le secteur des écoles d’ingénieurs (7,07 %), le secteur des spécialistes en langues (6,47 %) et, finalement, le secteur des écoles supérieures spécialisées (3,5 %).
Comme nous l’annoncions dans notre introduction, nous pourrions simplifier cette représentation en nous limitant à deux secteurs : celui des spécialistes en langues (6,47 %) et celui des non-spécialistes en langues, qui additionnerait les trois autres secteurs pour devenir le principal agrégat de notre étude (93,48 %).. La véritable dynamique autour des langues est donc à chercher dans ce secteur. Cette donnée nous semble essentielle car elle permet de visualiser l’espace prioritaire de l’enseignement supérieur français dans lequel les autorités devraient concentrer leurs efforts en termes de ressources (nomination de professeurs et de chercheurs, nombre d’heures d’enseignement, création de groupes, élaboration d’outils pour l’enseignement-apprentissage, attributions des locaux et des salles, etc.).
Pour les quatre principaux secteurs de l’enseignement supérieur français passés au crible, la présence d’un nombre considérable de langues dans l’offre de formation prouve l’existence d’une politique linguistique axée sur des besoins mais aussi sur une certaine promotion du plurilinguisme. Ainsi, notre hypothèse de départ s’est confirmée. Selon nos estimations nationales et dans l’ordre d’importance, les neuf langues les plus étudiées dans l’enseignement supérieur français sont : l’anglais (71,04 % des effectifs), l’espagnol (8,45 %), l’allemand (3,69 %), l’italien (1,48 %), le français (1,03 %), le chinois (0,92 %), l’arabe (0,57 %), le russe (0,43 %) et le portugais (0,28 %). S’y ajoutent beaucoup d’ (plusieures ?) autres langues, que nous avons cataloguées dans le volet « autres » (1,68 %), mais dont les indicateurs quantitatifs se situent très loin derrière les neuf langues principales, ce qui nous amène à constater que l’offre accrue en langues ne conduit pas nécessairement chacun à en apprendre davantage.
Si cette offre de formation se déploie sur tout le territoire métropolitain et touche pratiquement l’intégralité des disciplines étudiées dans l’enseignement supérieur français, elle se fait pourtant dans des proportions assez diverses. Dans tous les cas, ce qui existe est un lien de cause à effet entre le nombre total d’étudiants inscrits dans une formation et le nombre de ces étudiants suivant un cours de langue. Plus les effectifs du premier groupe sont élevés, plus ceux du deuxième groupe le seront aussi. Ceci justifie que les enseignements linguistiques soient aujourd’hui présents dans la plupart des programmes de formation (tous domaines confondus) et dans tous les cycles (licence, master, doctorat), sous tous les statuts (étudiant ou apprenti), sous toutes les exigences (langue obligatoire ou optionnelle), sous toutes les catégories (Langue Vivante 1, Langue Vivante 2, Langue Vivante 3) et dans toutes les modalités (cours présentiels, à distance, hybrides).
Dans tous les dispositifs de formation analysés, le constat des tendances est sans appel : l’anglais occupe la première place suivi par l’espagnol. Le binôme anglais/espagnol semble être nettement plébiscité par les étudiants. Quant à l’allemand, il se positionne dans une troisième place, mais loin derrière l’espagnol et, surtout, très loin de l’anglais, tandis que l’italien assure, lui aussi, sa présence car il se situe en quatrième position. La cinquième position revient au français enseigné à des ressortissants étrangers régulièrement inscrits dans une formation de l’enseignement supérieur français. Voici donc les cinq langues les plus représentées de ce collectif : l’anglais, l’espagnol, l’allemand, l’italien et le français. Nous constatons que, peut-être de manière stratégique, la France donne la priorité aux langues de ses pays voisins, deux d’entre elles ayant un caractère intercontinental (l’anglais et l’espagnol) et les deux autres, un statut international mais surtout réduit à l’Europe (l’allemand et l’italien). Il est fort à parier que cet aménagement linguistique vraiment marqué au sein de l’enseignement supérieur français ne se fasse pas explicitement au nom du plurilinguisme mais à un phénomène largement observable : ces langues sont les plus étudiées dans le secondaire ; il est donc normal de les retrouver dans le supérieur pour une raison simple de continuité et approfondissement des enseignements.
Force est de constater que, pour les quatre secteurs étudiés, nos indicateurs ont révélé une tendance inquiétante : l’offre des cours semblerait donner une priorité incontestable à la langue anglaise, proposée dans tous les établissements et, parfois, comme seule possibilité, sans donner le choix aux étudiants. Cette place prépondérante dans l’enseignement supérieur français s’explique sans doute par le fait que les représentations sociales dominantes chez les étudiants, les enseignants et les administrateurs parent cette langue de toutes les vertus. (p. ex. accès à la communication internationale, aux nouvelles technologies, à la modernité, à l'emploi, etc.).
Cette tendance nous amène à nuancer l’idée de plurilinguisme annoncée plus haut car le « tout-anglais » est à l’œuvre et son évolution devrait susciter la plus haute vigilance, tellement la disproportion entre effectifs inscrits en anglais (71,04 %) et effectifs inscrits dans d’autres langues (22,22 %) est abyssale. De toute évidence, quand les décideurs chargés d’élaborer l’offre de formation pensent aux langues, ils songent principalement à l’anglais. Son omniprésence impressionne par son caractère écrasant et incommode parce qu’elle tend à faire considérer comme inutile l’acquisition des autres langues, à tel point qu’on pourrait penser qu'il reste pratiquement très peu de place pour celles-ci. Cette évolution devrait-elle être considérée comme menaçante pour les autres langues ? À notre sens, il s’agit d’un aspect à nuancer car, compte tenu du caractère massif de l'enseignement supérieur français, cet espace restant de 22,22 % représente en réalité un nombre significatif d'étudiants qui se concentrent sur l'étude d'autres langues. Le seul souci est que celles-ci sont en concurrence entre elles et réduites à un statut de Langue vivante 2, voire de Langue Vivante 3, face à l’anglais considéré dans tous les cas comme Langue Vivante 1.
Au-delà du fait que le système semble attribuer la primauté à une seule langue au détriment de toutes les autres, la prédominance de l’anglais peut avoir des conséquences sur la qualité des cours en raison, notamment, du manque de motivation qui peut s’installer chez certains étudiants qui se voient imposer une langue unique, alors qu’ils voudraient en étudier une autre, et qui se retrouvent souvent dans des classes où les inscrits sont nombreux, ce qui empêche l’application d’une pédagogie différenciée nécessaire à tout enseignement linguistique. En effet, le choix et l’imposition de la seule langue anglaise dans de nombreux cursus de l’enseignement supérieur français mettent à rude épreuve le concept de diversité linguistique préconisé par les institutions politiques et académiques françaises et européennes. Certes, il est parfois complexe d’inclure d’autres langues dans des programmes de formation déjà bien chargés. Le « pragmatisme simplificateur » auquel nous faisons allusion dans le titre de cet article se réfère précisément à une situation alarmante ayant des conséquences sur l’enseignement des langues : l’enseignement supérieur français est frappé d’une grande instabilité à cause d’un flux d’étudiants en constante augmentation (cours à grands effectifs, hétérogénéité des niveaux), d’un manque de moyens (personnel administratif et enseignants titulaires insuffisants pour faire face à la demande) et, surtout, d’une absence d’harmonisation des pratiques (carence de règles communes, étudiants indifféremment inscrits dans une multiplicité de parcours d’études, disparité des contenus, des objectifs et des méthodes d’enseignement-apprentissage). Cette fragilité peut tenter nombre de décideurs à se limiter à une offre unique afin de diminuer les contraintes (p. ex. budget, horaires, enseignants, salles) qui pèsent dans la gestion des effectifs étudiants.
Cependant, orienter l’offre vers le « tout-anglais » ne semble pas être une mesure qui aille dans le sens des besoins des étudiants, des injonctions ministérielles et des enjeux sociétaux dans un environnement de plus en plus internationalisé et interdépendant. Nous voyons bien que l’enseignement supérieur français mène en même temps une politique linguistique d’ouverture en incluant un nombre significatif de langues dans son offre de formation. C’est, à notre sens, cette politique intégratrice des langues qui devrait être renforcée au bénéfice de tous car la demande de plurilinguisme est réelle dans une société française qui se veut, par besoin mais surtout par tradition, ouverte à ses pays voisins, à l’Europe et au monde. Il paraît évident que nous devons entreprendre d'adapter l’offre de formation de l’enseignement supérieur français aux exigences fonctionnelles d’une France qui adhère à ce qu’il est convenu d’appeler la « société de la connaissance », marquée par l’accès à l’information, les échanges multiples, la mobilité des personnes, la libre circulation des marchandises et des services.
Afin d’éviter l’uniformisation linguistique, source d’appauvrissement culturel, dans le but de sortir de la rhétorique de l’évidence et pour aller au-delà des réponses mécaniques du « toujours et partout l’anglo-américain », la lucidité sur l’importance de l’offre plurilingue de formation est indispensable. La France a besoin d’un management linguistique engagé dans le respect de la diversité culturelle qui caractérise les sociétés en contact du 21e siècle. Ainsi, nous appelons à davantage de réflexion critique dans les instances de décision des établissements de l'enseignement supérieur français dans la détermination des langues qui doivent faire partie de l’offre de formation. Chaque établissement doit décider sur des critères clairs, prenant en compte le contexte et les caractéristiques des formations, quelles langues doivent être proposées. Les langues à enseigner ainsi que leur nombre seraient à déterminer en fonction des disciplines. Par exemple, il paraît à priori peu concevable de poursuivre des études de droit des affaires sans la connaissance de l’anglais, de commerce international sans l’espagnol, de philosophie sans l’allemand, des études en histoire de l’art sans l’italien. Pour autant, ceci ne devrait pas conduire à limiter une langues à un seul domaine ou à exclure toutes les autres langues.
Par le biais de cette étude, nous avons fourni des informations fiables et chiffrées sur les secteurs de l’enseignement supérieur français concernés par l’enseignement des langues. Dans une plus large mesure, nous cherchons à transférer les résultats obtenus vers des publics à dimension politique, institutionnelle, administrative et professionnelle. Nous espérons que les responsables de formation, en consultant ces données inouïes et en prenant acte de ces tendances, auront conscience de la nécessité de préserver la pluralité de l’offre de formation en langues au-delà de la valeur présumée de celles-ci, mais aussi de l’urgence de mieux distribuer les ressources associées à l’organisation de cette offre.
Annexes
Annexe 1
Liste alphabétique des 153 écoles d'ingénieurs publiques françaises dont les données ont été intégrées dans la présente étude – Source : Tano 2022a : 6-11 :
Annexe 3
Liste alphabétique des 54 universités publiques françaises proposant des formations pour des spécialistes en langues – Source : Tano 2022c : 7-8 :
Annexe 4
Liste alphabétique des 63 universités publiques françaises proposant des cours de langues pour des spécialistes d’autres disciplines – Source : Tano 2022d : 14-16.
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Auteur :
Dr. Marcelo Tano28
Professeur Agrégé d'Espagnol-Français à l’Université de Lorraine
Chercheur associé au Laboratoire Inter-universitaire de Recherche en Didactique Lansad de l’Université de Toulouse
E-mail : mtano@lairdil.fr
ORCID : 0000-0003-3164-3175
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1 Document qui établit le cadre général de qualité applicable aux activités de coopération européenne et internationale menées par un établissement d’enseignement supérieur au titre du programme Erasmus+.
2 En France, aux termes de l'article 2 de la Constitution, la langue de la République est le français. Ce statut juridique lui interdit d’être un pays plurilingue comme le sont la plupart de ses pays voisins.
3 Dans le baromètre Calvet, les facteurs décrivant le poids d’une langue sont nombreux et choisis de manière stratégique : le nombre des locuteurs, le caractère véhiculaire, le statut, le nombre de traductions, les prix littéraires, l’activité dans Wikipédia, l’enseignement au niveau universitaire, entre autres. Cet instrument présente aussi l’avantage de mesurer des facteurs contextuels, comme l’index de développement humain, l’indice de fécondité ou la pénétration sur Internet.
4 La réforme « licence-master-doctorat » est un ensemble de mesures prises en 2002 modifiant le système d’enseignement supérieur français pour l'adapter aux standards européens correspondant respectivement à 3, 5 et 8 ans de formation.
5 Pendant le premier semestre de l’année 2021, la sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), nous avait précisé qu’elle ne disposait pas des informations que nous recherchions. Concernant les langues, le MESRI n’a que des données très partielles, ce qui confirme que, pour l’instant, le sujet n’a pas mobilisé ces hautes instances. Nous avons pu consulter quelques tableaux qui ne permettaient pas, en l’état, d’arriver à des indicateurs se rapprochant de la réalité actuelle car l’indication de la langue étudiée n’était pas précisée. En règle générale, le détail des langues suivies dans un cursus ne figure pas dans les bases statistiques du Ministère. Par ailleurs, générer ces statistiques demanderait un important travail des chargés d’étude ainsi que des responsables de la production et l’exploitation des sources. Toutes ces raisons ont justifié notre décision d’établir nous-mêmes une base statistique adaptée aux besoins circonstanciés de notre recherche.
6 Le choix de l’année académique 2019-2020 obéit à une raison d’uniformisation méthodologique. Comme cette recherche a été réalisée entre 2020 et 2022, nous avons comptabilisé les données correspondantes à l’année académique du commencement de nos travaux. Ce choix se justifie dans la mesure où nous voulions nous donner plus de chance de récupérer les renseignements demandés puisque nos interlocuteurs les auraient déjà enregistrés dans leur base de données étant donné qu’il s’agissait d’une période déjà écoulée.
7 Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre-Val de Loire, Corse, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d'Azur.
8 Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte.
9 Enquêtes SISE (système d’information sur le suivi de l’étudiant) du MESRI.
10 En théorie et selon le classement SISE, il peut s’agir d’une centaine de langues, même s’il est fort probable que beaucoup d’entre elles ne trouvent ni élèves ni enseignants.
11 Il peut s’agir d’un centre, d’un département, d’une école, d’une faculté, d’un institut, d’un observatoire, d’un service ou d’une unité de formation et de recherche.
12 C’est ainsi que l’entend le MESRI qui publie annuellement les repères et références statistiques (RERS) où le groupe des écoles d’ingénieurs est analysé séparément.
13 D’après nos propres observations de terrain, il peut s’agir, entre autres, des langues suivantes : coréen, danois, hébreu, hindi, hongrois, indonésien, irlandais, japonais, néerlandais, norvégien, polonais, suédois, turc, ukrainien et vietnamien.
14 Évidemment, les écoles d’ingénieurs sont exclues de ce collectif, bien qu’elles soient de fait, elles aussi, des écoles spécialisées.
15 En réalité, la population cible de cet agrégat appartenait aussi bien à des écoles qu’à des centres, des conservatoires ou des instituts, tous catégorisés sous l’appellation « école supérieur spécialisée ».
16 Ne sont pas intégrées dans cette enquête les écoles d'ingénieurs et les écoles supérieures spécialisées des universités, même si, épistémologiquement parlant, elles appartiennent au secteur Lansad, car ces agrégats font l’objet d’enquêtes séparées. Nous adoptons ainsi la même méthodologie du MESRI qui fait un traitement différencié des statistiques de ces deux collectifs. En plus, en raison de certaines spécificités, nous avons également exclu de nos calculs trois autres collectifs qui feraient pourtant partie du secteur de non spécialistes en langues : les écoles de commerce, gestion et ventes (parce que généralement elles ne sont pas publiques), les classes préparatoires aux grandes écoles ainsi que les sections des techniciens supérieurs (parce que, très généralement, ces formations sont dispensées dans des lycées et non à l’université).
17 Université Bordeaux-Montaigne (avec 10 composantes ayant participé), Université d’Aix-Marseille (16), Université de Bourgogne (16), Université de Corse-Pascal-Paoli (9), Université de Lille (21), Université de Lorraine (43), Université de Montpellier (17), Université de Nantes (20), Université de Paris Cité (25), Université de Rennes-I (19), Université de Rouen-Normandie (12), Université de Tours (9) et Université Grenoble-Alpes (32).
18 La liste complète des 249 composantes est publiée dans Tano 2022d : 14-16.
19 Cette commission est chargée de donner un avis pour toutes les formations, avant habilitation par le MESRI. Elle assure l’évaluation périodique de toutes les formations d’ingénieurs des établissements français en vue de leur accréditation à délivrer un titre d’ingénieur diplômé.
20 Il peut s’agir aussi bien de langues nationales (bulgare, croate, danois, estonien, finnois, grec, hébreu, hongrois, japonais, lituanien, luxembourgeois, néerlandais, norvégien, polonais, roumain, slovaque, slovène, suédois, tchèque, turc, etc.) que régionales (alsacien, basque, breton, catalan, corse, occitan, provençal, etc.). Cependant, il n’existe aucune information sur ces enseignements et, dans la pratique, nous savons qu’il s’agirait d’un flux totalement marginal dans le contexte de la formation des ingénieurs en France.
21 Comme pour les autres collectifs étudiés, l’importance de ce groupe reste moindre dans la mesure où cet ensemble réunit des langues vivantes réputées « rares » parce qu’elles sont peu étudiées (bulgare, croate, danois, estonien, finnois, grec, hébreu, hongrois, japonais, lituanien, luxembourgeois, néerlandais, norvégien, polonais, roumain, slovaque, slovène, suédois, tchèque, turc, etc.).
22 Dans l’intérêt de notre étude, il vaut mieux s’appuyer sur quelques échantillons réels, même réduits, que partir sur des chiffres hypothétiques.
23 Pour la France, il peut s’agir de l’alsacien, du basque, du breton, du catalan, du corse, de l’occitan ou du provençal.
24 La liste des composantes ayant participé à l’enquête se trouve dans Tano 2022d : 8-11.
25 Comme, par exemple, le bulgare, le croate, le danois, l’estonien, le finnois, le grec, l’hébreu, le hongrois, le japonais, le lituanien, le luxembourgeois, le néerlandais, le norvégien, le polonais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois, le tchèque, le turc.
26 Nous insistons sur le fait qu’il faut interpréter ces résultats avec la plus grande prudence car ce ne sont que des estimations, c’est-à-dire des approximations. Qui plus est, nous n’avons tenu compte que des effectifs du seul secteur public de l’enseignement supérieur français, majoritaire en France.
27 Ce total n’inclut pas les 562 700 étudiants de l’enseignement supérieur privé.
28 L’intégralité de la contribution scientifique de l’auteur peut être consultée librement sur la plateforme HAL (code « marcelo-tano »).